• Pique-nique extérieur en pleine canicule

    Au départ ce matin, l'air semble bien plus chaud que les jours précédents. Peut-être fait-il -10°C ? Nous commençons par traverser le village à pied parce qu'il y a peu de neige et que l'on nous prendrait au mieux, pour des extraterrestres, au pire, pour des fous ! En même temps, je ne suis pas convaincu que les gens ne soient pas sceptiques en nous voyant porter un drôle d'équipement sur les épaules ou sur le sac ? Nous sommes à la recherche de "carburant" pour nous ravitailler en cours de route mais peu de magasins proposent des fruits secs. Chemin faisant, j'immortalise mon premier traineau à cheval qui pour l'instant est monté sur pneus.

    Traineau sur pneus

    Nous dépassons ensuite la ligne de départ fictive de la boucle du jour : un portique et, à ses côtés, un oeuf géant protégé pour l'hiver. Nous repasserons là ce soir pour découvrir ce pilier de l'artisanat local. Plus loin, un cheval est entraîné pour aider prochainement au débardage. Et nous arrivons, dans un concert d'aboiements, au lieu où nous chaussons les raquettes. Le niveau de la neige est plus bas qu'hier pour le moment, probablement tassé par le passage d'habitants de la bourgade.

    Progressivement, nous prenons de la hauteur jusqu'à atteindre une ferme. L'occasion pour nous d'en savoir plus sur un élément de choix de la décoration extérieure : les ferronneries. Ce sont les roms qui les forgeraient à la belle saison.

    Vue sur le village d'où nous sommes partis Ferronnerie rom

    Profitons-en pour parler un peu des minorités en Roumanie. Elles sont nombreuses mais la plus importante ce sont les hongrois de Transylvanie. Ils seraient nationalistes mais souhaiteraient davantage l'indépendance que le rattachement à la Hongrie. Ils représentent 80% de la population de 2 "départements". Juste derrière, les roms arrivent en seconde position avec 1,8 million de membres d'après le dernier recensement. Ils seraient originaires d'Inde du Nord et ne sont pas plus appréciés que par chez nous. C'est un peuple nomade que les communistes ont tenté de sédentariser. Pour ce faire, ils ont renvoyés les germanophones du pays chez eux contre une rançon quand ils ne les ont pas déportés (lire à ce sujet la Bascule du souffle relatée par le Prix Nobel de littérature 2009 : Herta Müller). Puis, ils ont installé les roms dans leurs maisons. Ces derniers n'ont toutefois pas tenu en place. En Roumanie, ils ont un Empereur de tous les roms et un Roi du pays. Leur refus d'intégration est critiqué et les roumains les considèrent comme des voleurs. Une troisième minorité que je vais présenter, ce sont les Juifs. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 800 000 avant la guerre, 350 000 peu après et 6 000 aujourd'hui. Que s'est-il passé ?  Dans la partie qui a été annexée à la Hongrie, ils ont été déportés vers les camps d'extermination mais dans la partie plus soviétique,  ils ont davantage été envoyés dans des camps de travail en Bessarabie et au Kazakhstan. Au fil des ans, la fuite des survivants vers Israël n'a jamais cessé. Beaucoup d'autres minorités se trouvent dans le pays dont certaines déjà présentées (Polonais, Lipovènes, Houtsoules ...).

    Pour en revenir, à des sujets plus gais, nous évoluons ensuite sur de longs faux-plats montants, entourés de sapins chargés de neige. Que la résistance de leurs branches est admirable malgré le poids qu'elles supportent ! Et combien toute vie semble figée, écrasée par l'or blanc !

    Dans un univers enneigé

    Une rencontre impromptue mais sympathique vient rompre provisoirement le charme et le calme des lieux. Toujours le même étonnement sur notre mode de locomotion mais on commence à s'y habituer. Nous reprenons tantôt à travers les forêts de conifères tantôt sur des balcons. Les principales essences sont le sapin, l'épicéa et le hêtre qui, à notre surprise, ne perd pas systématiquement ses feuilles mortes. De temps à autre, un bâtiment en bois interrompt notre immersion en pleine nature : grenier ou plus rarement habitation.

    Grenier sur fond de forêt Balcon

    Derrière l'arbre mort isolé, nous pouvons visualiser tout notre parcours de l'après-midi précédent. Au sommet d'une petite colline, nous tombons sur une drôle de structure qui serait un épouvantail pour sangliers. Cependant, à en croire le bruit qu'en tire P., ceux-ci doivent soit bien rire du son produit, soit s'en servir de mobiles au-dessus de la couche de leurs marcassins.

    Un peu plus loin, nous atteignons un petit hameau avant de replonger dans la forêt. De celui-ci part un sillon profond qui peut correspondre soit à un tronc tracté par un cheval, soit à une piste de luge tracée par les enfants. Luminița nous décrit leur façon de procéder : ils prennent un sac plastique qu'ils remplissent de paille puis s'élancent dans la pente faisant une trace. Je me demande alors si c'est plutôt skeleton comme dans le village polonais ou plutôt bobsleigh ? Au lycée, notre guide déjouait l'attention du surveillant pour faire de même. Elle nous propose de nous initier dans les prochains jours, ce que nous acceptons à l'unanimité !!!

    Le hameau Retour dans la forêt

    Selon que l'on soit sous le couvert végétal ou en plein soleil, les écarts de températures sont perceptibles. Aussi, au sortir du dernier bois de ce matin et à l'abri du petit vent, nous trouvons un coin agréable pour pique-niquer à l'extérieur, faute d'habitant. Mais la température est agréable et l'immobilisation ne va pas nous coûter. Nous optons pour une petite cabane de berger plutôt que le haut mur d'un grenier. Devant nous, la vue est dégagée sur la vallée.

    Arrivée sur le lieu de pique-nique

    Il fait bon s'arrêter à cet endroit. Je ressens juste le froid au niveau de mes mains nues. Je joue également un petit tour de passe-passe à la guide qui ne parviendra pas à me le faire recommencer devant les autres. Ce que tu ne vas pas inventer quand même !

    L'après-midi va être plus rigoureuse niveau température. La météo annonce -30°C cette nuit. Et la baisse va s'amorcer dès le milieu d'après-midi : -15°C puis -19°C en début de soirée. Notre marche du jour ne consiste cependant plus qu'en une longue descente conduisant à un monastère fortifié : Moldovița; qui ne se trouve pas dans la ville éponyme mais à Vatra Moldovița. Les derniers mètres sont pénibles car de nombreux cailloux dépassent du sol blanc.

    Arrivée sur le monastère de Moldovița

    Ses murailles mesurent 6m de haut. Il fut édifié en 1532 par Petru Rareş, le fils de Stefan Cel Mare. Sa couleur dominante était le jaune d'or mais, suite à un incendie, il a plutôt tourné à l'ocre. Dans sa cour intérieure, une croix de glace a été dressée pour le baptême du Christ le 6 janvier.

    Monastère de Moldovița Croix dans la cour

    Au niveau des représentations, on retrouve sur la photo au-dessus la Hiérarchie de tous les saints : archanges, chérubins et séraphins, prophètes, apôtres, martyrs, moines. L'arbre de Jessé entouré d'épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testaments est également présent tout comme l'acathiste à la Vierge.

    Arbre de Jessé Crucifixion Acathiste à la Vierge

    Un tableau récurrent est la représentation simultanée de Jésus et d'Adam. A chaque fois, le Christ tire des Enfers le premier homme. A l'intérieur des monastères, la scène est souvent représentée lors de la crucifixion. Petit à petit, on voit dans la terre du mont Golgotha apparaître puis se développer un crâne : celui d'Adam; qui ressuscite ensuite en même temps que le Fils de Dieu.

    Jésus et Adam

    Le siège de Constantinople et son parallèle avec Suceava est également présent en grande dimension.

    Siège de Constantinople/Suceava

    A l'intérieur, la succession de pièces présente également des fresques connues. Dans le narthex, le Jugement Dernier fait pour la première fois apparaître les Arméniens du côté des peuples honnis, car ceux-ci refusent de payer une taxe commerciale. Dans le pronaos, démarre le calendrier des martyrs avec les 6 premiers mois à partir de septembre. Les 6 autres se trouvent dans la salle des tombeaux. Les souffrances sont variées : décapitation, noyade, enterrement vivant, bûcher ... Dans un coin, un escalier "secret" mène à une salle située au-dessus de celle des tombeaux et où se trouvait le trésor. Le plafond de la pièce des tombeaux est ainsi toujours plus bas. Enfin, le naos et l'iconostase abritent des empereurs et rois romains, le procès de Jésus puis son chemin de Croix. Comme à l'accoutumée, la température est glaciale et de la condensation se dégage à chaque respiration.

    En ressortant et derrière les "barbecues", se dresse un élégant bâtiment à l'intérieur de l'enceinte.

    Bâtiment élégant dans l'enceinte

    Comme nous devons attendre encore un bon moment le bus qui nous ramènera au village de ce matin, nous nous réfugions dans un café.  Dedans, il n'y a que des hommes venus là passer l'après-midi. L'un est plutôt joyeux et chante pas mal voire danse un peu. Un autre enchaîne cigarette sur cigarette. On pourrait être dans un café de village. Et voilà, qu'ils voient débarquer dans leur quotidien, une horde d'extraterrestres transportant d'étranges engins sur leurs épaules ou leurs sacs. On va finir par être dans le journal, je vous le dis ... Après la bonne expérience de la gare de Bucarest, trois de nous s'orientent sur un chocolat chaud. Quant aux deux derniers, plutôt kamikazes, ils essaient de se réconcilier avec le vin chaud.  Merci à celle qui a payé le pot, j'espère avec l'argent de l'agence.

    10 minutes avant l'arrivée du bus, nous prenons notre courage à deux mains pour nous jeter dans le froid mordant. Mon cerveau gèle et c'est sûrement pour ça que je n'ai pas eu la présence d'esprit de filmer les pas de danse de celles et ceux qui cherchent à maintenir leur température corporelle. Pourtant, je vous garantis que vous auriez pu prétendre à l'opéra de Pékin avec votre talent. Dans ces conditions d'attente, même le temps paraît se figer.  C'est bon il ne reste plus que 2 minutes non ? Comment ça 9 minutes 45 ? Sûr que votre montre fonctionne ? Et au bus de finir par arriver, ponctuel. Un groupe de 5 "esquimaux" s'engouffre dans le véhicule chauffé mais pas totalement transis car l'acclimatation au froid doit tout de même porter un peu ses fruits à l'instar des séjours en altitude.

    Quelques kilomètres plus loin, nous sommes déposés au pied du même portique en bois et de l'oeuf couvert de ce matin. La boucle est bouclée. Nous nous rendons alors dans un atelier de peinture sur oeufs à proximité. La démonstration dure une heure, dégustation de compote et de beignets incluse. Vous ne voyez pas le rapport ? Moi non plus mais c'est juste pour souligner à nouveau la qualité de l'accueil.

    Les oeufs peints c'est une tradition de Bucovine héritée du 17ème siècle et liée à la fête de Pâques. Chacun doit cogner son oeuf contre celui du voisin et celui qui casse le sien a perdu. La matière de base est un oeuf de cane de préférence car ils sont plus résistants, sinon d'oie ou même d'autruche. La première étape consiste à vider l'oeuf soit en y pratiquant deux trous soit un seul. De l'air est ensuite insufflé à l'aide d'une seringue pour en faire sortir le contenu. Il faut alors nettoyer l'intérieur en injectant de l'eau puis laisser sécher. On peut alors reboucher les orifices avec de la cire d'abeille.

    La seconde étape consiste à tracer le motif sur la coquille de l'oeuf à l'aide de la chişițǎ, un manche en bois auquel est fixée une tige en fer blanc, en cuivre ou en laiton, creuse en son centre. Il en existe de différents diamètres selon que l'on veuille tracer ou remplir une surface. Cet outil trempe en permanence dans la cire d'abeille, maintenue à température constante juste au-dessus d'une ampoule. L'application de la cire d'abeille sur une zone va la protéger contre les teintures suivantes. Le tracé de notre hôte est rapide et précis. Travail net et sans bavure résultant d'années d'expérience puisqu'elle a commencé à 8 ans.

    Traçage du motif

    L'oeuf est ensuite trempé dans une première teinture : le jaune, symbole de lumière, de chaleur, de jeunesse et d'hospitalité. L'application d'une couche est suivie d'une phase de séchage qui doit durer en théorie une vingtaine de minutes. Dans ce village, on en réalise trois, une pour chaque couleur rituelle. Après cette première couche, l'artisane passe avec la chişițǎ de la cire d'abeille sur les zones que l'on veut protéger pour maintenir la teinture jaune. Le reste sera enlevé à la dernière étape.

    Après la teinture jaune

    L'étape précédente est reproduite d'abord avec le rouge pour le sang du Christ, la santé  et la résurrection; puis avec le noir pour la douleur de Jésus, l'éternité et la terre. Entre les deux, séchage et protection à la cire. Après les trois bains, il faut rouvrir les trous initiaux pour ne pas que l'oeuf explose avant de faire fondre la cire. Enfin, l'oeuf est essuyé avec un chiffon pour faire partir la teinture noire qui ne doit pas rester. La finition consiste à vernir l'oeuf pour protéger ses colorations.

    Faire fondre la cire

    D'autres couleurs existent comme je le raconterai mais également une autre technique avec des figures en relief. Généralement, les motifs traditionnels sont géométriques et ont tous une signification précise. Des dessins tels des fleurs sont possibles mais ne sont pas rituels.

    Lorsqu'on s'applique la préparation d'un oeuf prend de 4h à 5h dont 1h pour le dessin du motif. L'artisane ne s'occupe pas d'un oeuf après l'autre mais procède par série en raison des pauses nécessaires au séchage. Cela présenterait deux avantages : ne pas colorer involontairement un oeuf avec la teinture d'un autre et s'économiser la vue car, sur ce point, le travail s'apparente au tissage à la main des tapis. Les enfants peuvent commencer dès 6 ans et la pratique se transmet de mère en fille. Au début, les motifs sont simples. Mais, même les années d'expérience n'empêchent pas de casser des oeufs sous l'effet de la chaleur par exemple. Les oeufs sont aujourd'hui en grande partie destinés aux touristes et à la fête de Pâques. Il est possible d'en vivre comme la personne qui nous a fait la démonstration. D'ailleurs, elle se rend à l'étranger de temps à autre pour une exposition-vente ou pour des stages de formation.

    Cet objet étant pour moi un symbole de la Bucovine, j'avais décidé avant même de venir d'en acquérir un pour l'offrir à ma Cocotte de compagnie qui occupe la table basse de mon salon. Je crois qu'elle a apprécié parce que depuis elle sourit.  Ne reste plus qu'à trouver un nid pour lui mettre dedans. Et le poussin devrait être un arlequin avec toutes les teintures qu'il s'est pris dans le bec.

    Avant de rentrer, nous passons à la Poste chercher nos devoirs de vacances.

    Le menu du soir propose le plat traditionnel du pays : le sarmale à base de chou et de viande hachée. Et un gâteau parce que le fruit n'est pas un dessert (ne le dites pas à vos enfants) mais se mange plutôt dans le courant de la journée.

    Nous terminons la journée en faisant le point sur la crise politique. Après les valses de Vienne, celles de Bucarest : 11 nouveaux Ministres ont été nommés depuis hier. La télévision présente pour chacun d'eux une fiche faisant notamment état de toutes leurs possessions. En moyenne : Porsche, 2 maisons minimum, salaire de 24000€/mois (pas des lei). De la corruption en Roumanie ? Noooonnnnn !!!! Pensez-y juste de simples citoyens lambda. Et nous avons également le plaisir de retrouver le même analyste politique qu'hier toujours aussi mal rasé. Pas de doute, c'est bien la crise.


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  • Depuis la base polaire roumaine

    Ce matin, la sortie de la maison d'hôtes est très rude et le bas de mon visage se fige quasi-instantanément. Le thermomètre oscille entre -25°C et -28°C lors du court transfert assuré par Mihaï avant d'être livrés à nous-mêmes pendant 2 jours. Nous avons le choix entre maintenir la balade complète ou la raccourcir de moitié. Comme on est venu pour le congélateur, nous optons à l'unanimité pour la première solution.

    Nous démarrons dans un village au nom de produit surgelé : Argel. L'itinéraire semble taillé pour une telle journée : il commence par une montée sur une ligne de crête suffisamment raide pour que nous puissions nous réchauffer rapidement. Face à nous, au pied de la côte, une petite église tricolore : rouge, blanc, vert.

    Eglise au pied de la côte

    A mi-pente, nous marquons une première halte au niveau d'une petite maison de bois. Nous sommes suffisamment élevés non pas pour manquer d'oxygène mais pour avoir une vue dégagée sur le bourg du côté gauche ou sur les greniers dispersés à flancs de collines à notre droite.

    Petite maison dans la côte Le village d'Argel Greniers dispersés

    Nous sommes rapidement obligés de décaper pour éviter la fusion du coeur du réacteur. Nous n'aurons plus froid du reste de la journée, l'air étant sec je le rappelle. Nous n'avons pas encore les raquettes aux pieds mais plutôt à l'épaule ou sur le sac car la neige est tassée. Mais à peine plus loin, nous allons les chausser.

    Alors que nous nous enfonçons dans la forêt, nous croisons des chevaux tractant de lourds traineaux débordant de fourrage. Il ne s'agit pas tout à fait du coupé-cabriolet que s'est offert le Père Noël mais plutôt d'utilitaires faciles à manoeuvrer et robustes. Et ils sont cette fois-ci montés sur patins. La rencontre est fugace car nous coupons par une belle mais étroite montée.

    Maison dans une clairière 

    Luminița nous incite à rester sur nos gardes car un grand danger nous guette : au sommet, un comité d'accueil réceptionne régulièrement les passants. En sortant du bois, à l'entrée de la propriété, elle décide de sortir l'arme ultime, celle qui préservera notre intégrité physique : deux tranches de pain. Et lorsque les deux molosses accourent vers nous babines retroussées, on est finalement bien content de cet excès de prudence. Notre vie est sauve. Heureusement  qu'ils n'ont pas été élevés à la baguette viennoise ou au pain de mie ! La propriétaire arrive peu après pour retenir ses fauves. C'est bon ne vous en faites pas, il nous reste encore tous les doigts. Une autre originalité du lieu est un immense tableau à l'extérieur de la maison. Je suppose que les chiens, bien qu'agressifs, ont une sensibilité artistique ?

    La maison des molosses

    Franchi cet obstacle, nous optons pour une voie où nous ouvrons la piste dans la poudreuse entre sapins et clôtures. Combien il est agréable de tracer son chemin dans cette neige si légère et d'écouter le son sourd de son tassement !

    Ouvrir la voie Dans la trace toute fraîche

    La rencontre du jour intervient quelques dizaines de minutes après sur une hauteur : il s'agit d'une femme qui rentre chez elle et ne voit pas d'objection à ce que nous pique-niquions chez elle. Pour commencer, elle nous amène à l'étable-porcherie où quelques cochons ont vu le jour il y a peu. Dans la pénombre, nous distinguons quelques bébés attendrissants de gaucherie. Puis, elle nous ouvre la porte de sa maison et, par là même, de son coeur. Les attentions se succèdent : pot de bienvenue, salade de légumes crus, charcuterie, pâtisserie nous sont offerts en plus de nos vivres ... Luminița lui laisse en échange ce que nous ne consommerons pas. La dame nous présente également sa famille et dévoile ses sentiments. On apprend ainsi qu'elle a 4 filles et 1 garçon à l'école à 6km. Elle est en outre nostalgique de l'époque communiste où la vie était plus facile et plus rentable. Elle nous parle enfin des taxes qui étaient alors payées en nature -ce qui l'arrangeait- et souligne que les gens n'hésitaient pas à cacher une partie de leur bétail dans les bois lors du passage du fisc. Ca me rappelle d'anciens récits déjà entendus en Asie Centrale. Sa propriété s'étend aujourd'hui sur 15 hectares, la fourchette haute d'une moyenne comprise entre 4 et 15 hectares. Avant de partir, elle nous fait visiter avec fierté son habitation où elle a tissé de nombreux tapis et couvertures. L'intérieur est plutôt douillet et aménagé avec goût.

    Je profite de la pause repas pour évoquer de nombreux moments-clés de la vie roumaine :

    - le baptême intervient dès que possible pour protéger le nouveau-né contre le mauvais oeil. La cérémonie consiste en une immersion dans l'eau bénite en présence notamment de parrains. Par contre, contrairement à chez nous, il est rare de donner un second prénom à l'enfant.

    - On donne aux enfants leur propre animal d'élevage à gérer pour les responsabiliser. Si l'agneau premier né est un mâle, il sera sacrifié pour Pâques et son jeune propriétaire perdra une occasion d'agrandir "son" cheptel.

    - La saison la plus fêtée est l'arrivée du printemps. Les hommes de tout âge offrent aux femmes de leur entourage une broche blanche et rouge à porter 8 jours. La célébration de cette occasion passe à présent de plus en plus par des cartes ou des bouquets.

    - Pour les jeunes filles célibataires, dans les familles proches de la culture ukrainienne, il existe une couronne en forme de serre-tête duquel partent deux longs rubans blanc et rouge.

    - Le mariage "moderne" supplante de plus en plus le "traditionnel". Dans ce dernier, la famille de la mariée reçoit celle du soupirant. Cette rencontre s'accompagne de danses. Le prétendant demande ensuite la main de sa promise à son père qui refuse la demande arguant de la grande beauté de sa fille et de son travail indispensable dans le foyer. Les deux échangent leurs vues et l'argumentation tourne en faveur du prétendant. L'accord proche, on présente au futur gendre une fillette de 7 à 8 ans vêtue en mariée. "Non pas elle. Trop jeune !". Lors de la seconde apparition, il s'agit d'une grand-mère habillée de façon comparable. "Ce n'est toujours pas elle !". Alors la vraie promise est enfin présentée. Après quelques danses supplémentaires, le mariage religieux peut commencer et sera suivi d'un repas. Alors qu'il durait jusqu'à 3 jours il n'y a pas si longtemps, il est désormais réduit à un seul.

    - L'accouchement à domicile est rare. En général, on transporte la femme enceinte au village le plus proche en charrette puis une ambulance prend le relais. C'est le seul cas où la prise en charge des soins est totale avec les urgences en théorie. Le reste du temps, mieux vaut prévoir une assurance si on en a les moyens. Mais ce n'est pas toujours le cas et il y a donc des disparités d'accès aux soins en dehors des plus jeunes et des plus âgés qui sont pris en charge. Cela se traduit par des choix parfois néfastes pour sa propre santé. L'IVG est autorisée par la loi mais la pratique est mal perçue par l'Eglise et les plus conservateurs.

    - Pour le décès, le défunt est d'abord présenté à ses proches. Le cercueil est ensuite promené dans le village, mené à l'église puis au cimetière. A l'issue des funérailles, la famille offre un repas aux convives souvent nombreux. Des tables sont ménagées sur certaines tombes pour pouvoir honorer à nouveau le défunt à certaines occasions. L'incinération semblerait moins répandue.

     

    [REPRISE DE LA DESCRIPTION DE LA JOURNEE]

    Revenus sur nos pas sur quelques mètres pour récupérer le sentier, nous commençons par descendre longuement. Tout autour de nous la vue est parfaitement dégagée à des kilomètres à la ronde et on devine en de multiples endroits le territoire ukrainien tout proche.

    Vue dégagée dans la descente Environs dégagés

    Nous inaugurons également une nouvelle discipline : le steeple en raquettes. Il s'agit de franchir une clôture sans déchausser et plus encore sans tomber. Certes, quelques marches sommaires nous aident très légèrement mais la barrière reste haute. Aussi notre réussite est-elle plutôt de bon augure en cas de speed-dating non sollicité avec un taureau, car ce qui comptera alors, ce sera davantage la rapidité que de profiter de la rencontre.

    Au fil de notre progression, nous continuons de connaître des hauts et des bas. Au sommet de la colline suivante justement, nous tombons sur un cheval harnaché non pas à un traineau mais à deux troncs. Ca ne doit pas faire longtemps qu'il est arrivé parce que la chaleur s'échappe de tout son corps sous forme de condensation. A quelques pas, son propriétaire disperse du fourrage pour les bêtes qu'il s'apprête à sortir au plus doux de la journée.

    Cheval de trait Cheval de trait

    La descente suivante, nous la débutons à côté de la trace pour la seule joie de glisser sur une dizaine de centimètres dans la poudreuse à chaque foulée. Dans sa seconde partie, nous traversons une forêt comme d'habitude plus fraiche. La progression est moins agréable car je suppose que nous circulons dans une large trace de pneu ou dans une rigole. Cela laisse à peine la place aux raquettes de se croiser.

    Descente dans la forêt

    Nous débouchons sur une route déserte, dernier intermède avant l'ultime bosse. Au pied de celle-ci, il faut traverser une rivière gelée. Luminița, sans crainte, s'avance et commence à sautiller à raquettes jointes sur la glace. Et si ça craquait ? Alors elle serait la première esquimaude roumaine. En même temps, rien ne dit que notre poids à nous, probablement un peu plus élevé, aura le même résultat sur la glace. Comme il faut bien traverser, nous nous lançons tous de concert jusqu'à ce que ... nous soyons secs sur l'autre rive (je vous ai bien eu ). Le sentier se hisse ensuite à flanc de colline. L'itinéraire emprunte le lit d'un ruisseau probablement. A quelques mètres du sommet, nous sommes stoppés par une barrière trop lourde à manoeuvrer surtout que nous sommes en dévers. Alors, prenant exemple sur les moutons avant de m'endormir, je déchausse et saute l'obstacle puis m'en vais ... libérer le reste du groupe toujours derrière les barreaux (en bois).

    Heureusement, personne ne nous voit car entre nos "engins" inconnus aux pieds et le saut de barrières au lieu de les ouvrir normalement, notre attitude pourrait sembler pour le moins curieuse à première vue.

    Au faîte de notre colline, sous un arbre sans feuille et à côté d'une table de pique-nique, nous détaillons le parcours des prochains jours et la frontière avec l'Ukraine  Dans notre dos, le soleil plonge dans le voile nuageux et pare d'or le ciel environnant; tandis que devant nous, nous attend la famille qui nous logera les deux prochaines nuits.

    Soleil voilé au couchant

    4 générations vivent ensemble sous le même toit : l'arrière-grand-mère de 99 ans, les grands-parents paternels dont la femme ne cessera de s'occuper du chauffage de nos chambres, les parents et leur fils, Bogdan, 8 ans. Le père de la famille est douanier. Nous le verrons peu, surtout qu'il va travailler de nuit. Il y aurait une contrebande de cigarettes, d'alcool et de mercure. Mais les gardiens de la frontière sont aidés par un système de détection des passages clandestins. Aussi les vaines tentatives se soldent-elles souvent par un échec et par la remise aux autorités ukrainiennes. Quant aux passages en règle, il n'y a pas besoin de visa en direction de l'Ukraine mais un bakchich reste le bienvenu hors de l'Union Européenne.

    La mère s'appelle Veronica. C'est elle qui tient la maison et prend soin de nous (avec la grand-mère). Le reste du temps, elle se consacre à la peinture sur oeufs et en propose de très beaux bleus ou verts. Le bleu symbolise le ciel et la santé, le vert, le renouveau de la nature, l'espérance et la fertilité.

    Ce soir, une bonne surprise les attend mais elle ne vient pas de nous : leur fille Loredana, 11 ans, rentre deux jours avant le week-end car son école est exceptionnellement fermée à cause du froid. En semaine, elle étudie au village et est hébergée sur place chez sa tante. Elle ne revient que le week-end. La jeune fille est plutôt attirée par la ville tandis que son frère préfère la campagne et compte bien un jour récupérer la maison. Ca fait drôle d'entendre ça d'un enfant de 8 ans ! Bogdan joue le "déçu" au retour de sa soeur et précise que si elle veut venir le voir plus tard, elle devra "construire sa maison à côté". Quand ces débordements d'affection prennent fin, ils s'entendent par contre comme larrons en foire.

    J'hérite d'une lourde charge en bénéficiant de la chambre habituelle de Luminița. Merci, elle était bien confortable et chaude. Et je n'ai donc pas touché à tes peluches cachées sous le lit. Je leur ai même chanté des berceuses les deux soirs, ai veillé à ce qu'elles se couchent à 21h et on n'a (presque) pas fait de pyjama party. Satisfaite ?

    Après le repas, nous nous installons devant la télévision. Les actualités montrent,  sur notre ligne, un train resté bloqué 9h à cause de la neige. Les secours sont intervenus par hélicoptère pour évacuer les gens. On enchaîne sans transition avec "Qui veut gagner des millions ?" présenté par le sosie de Lionel Jospin. Mais comme il s'agit de lei et pas d'euro, c'est de suite moins motivant. Enfin, on a très brièvement le droit à la crème d'une émission de télé-débilité : un quizz opposant 1 macho à 19 blondes malheureusement sélectionnées sur un critère de faible QI pour prêter foi au cliché. Rassurez-vous, il existe également une version brunes contre blondes paraît-il ... Bientôt sur vos écrans sur TF1. Comme ça vole trop bas, on opte pour aller se coucher. Je suis de mon côté confronté à un cruel dilemme : casseroles ou enfermement dans les chambres ? That is the question !

    21h. Début de la première pyjama party. STOP. Ambiance du tonnerre. STOP. Espère que Luminița n'entend pas. STOP.


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  • Pour vivre heureux, vivons simplement !

    5h du matin, le lit est défoncé, trop de monde a sauté dessus lors de la petite pyjama party de la veille. Comment vais-je expliquer le massacre à Luminița ? Je suis debout car j'ai convenu hier soir avec Veronica de participer à la traite des vaches. C'était sans compter sur un involontaire lapin : on m'a manifestement oublié dans la chambre ... Dehors Bogdan part à l'école à pied avec deux jeunes voisins. Il ne reste plus qu'à attendre qu'une bande de marmottes émergent pour le petit-déjeuner de ... 9h. Chez moi, ce serait presque un record de grasse matinée. A table, tout le monde a une petite mine et est encore dans les brumes matinales. Je ne comprends pas comment c'est possible après une telle nuit, pourtant c'est moi qui me suis levé tôt, non ?  Je raconte alors ma mésaventure de ce matin amusant au passage la galerie.

    Le départ est tardif car nous ne sommes pas pressés. Le but du jour est de rendre visite à Viorica, une grand-mère sur les crêtes et de l'assister un peu si besoin (NDA : toutes les roumaines ne s'appelle pas Viorica et ce n'est pas toujours la même dans mon blog). Dehors, le thermomètre indique -17°C, ce qui est convenable au niveau du ressenti.

    Nous attaquons par une longue montée puis un chemin de crête pour atteindre dans un premier temps un édifice religieux. Chemin faisant, nous traversons une propriété. Chacun est désormais attentif aux autres et ouvre à tour de rôle une barrière puis la remonte après notre passage. Pas de raison que ce soit toujours la même qui s'y colle.

    Propriété sur les hauteurs Barrières Eglise au fond

    Arrivés à proximité de l'église, Luminița s'écroule dans la neige et fait l'ange. La consistance de la poudreuse étant tentante, je me lance ensuite dans l'exécution de la même figure, avec un peu moins de succès toutefois. A vous de juger :

    Ange 1 Ange 2

    Mais au moins on s'amuse bien !

    L'église en bois est malheureusement fermée. Son cimetière ouvre sur un magnifique panorama. Quelques tables sont aménagées pour partager à certaines occasions un repas avec les défunts comme je l'ai signalé hier. Dans ce lieu de culte, la messe n'est célébrée qu'une fois par mois.

    Eglise orthodoxe Tour de l'église Figé dans la neige

    Nous contournons ensuite tout un vallon pour atteindre une ancienne école abandonnée depuis 4 ans. A travers les vitres, nous distinguons encore pupitres, tableau noir, cartes de géographie ... La vie semble juste suspendue mais pourrait reprendre demain. Suspendus, de nombreux bâtiments le semblent également, perchés sur un océan de crêtes.

    Sur un balcon Suspendu au-dessus du vide

    Enfin, nous nous dirigeons vers le hameau d'Erheşte pour découvrir ses habitants. En arrivant sur place, nous croisons un traineau tracté par deux chevaux qui projettent devant eux de fines particules de poudreuse. Une image de carte postale.

    Chevaux tractant un traineau de fourrage Chevaux et leur traineau de fourrage

    La maison la plus proche est habitée par le "radin" Nicolae, très célèbre sur la crête pour sa pingrerie. Il a 18 vaches donc un beau cheptel mais une étable prête à s'écrouler. A côté, vit le "Père Noël" ainsi appelé pour sa physionomie (longue barbe blanche). Agé aujourd'hui de 70 ans, il aurait eu 18 enfants en tout, même si nombre d'entre eux sont aujourd'hui décédés. Décidément, ils aiment bien le "18" par ici !

    Mais le but de notre venue est une vieille femme de 89 ans vivant seule, sans électricité ni eau courante ! Elle s'appelle Viorica. Les voisins et les groupes de touristes viennent la voir, lui apporter un peu de nourriture et lui donner un coup de main pour couper du bois ou chercher de l'eau. Par contre, même si elle n'est pas sortie de sa propriété cet hiver, il ne doit pas y avoir personne mieux informée qu'elle dans tous les environs. Je reconnais là un personnage tel qu'il y en avait dans le village de mes grands-parents. Et il ne faut pas croire qu'elle reste à l'année chez elle car elle va encore régulièrement dehors et descend dans la vallée faire ses courses au "kilomètre 15" !

    Son habitation est par contre émouvante : nous l'avons trouvée assise sur son lit, dans une pièce sombre, éclairée par une seule fenêtre. Le mobilier est rare : juste un second lit, une table et un poêle. Ce dernier est responsable du noircissement du plafond. Partout, la peinture s'écaille avec l'humidité. Et une partie du plancher s'affaisse par endroits. Le hall d'entrée n'est pas chauffé (comme souvent). On devine de l'autre côté une pièce similaire à celle où nous nous trouvons et abritant un curieux "objet" dont je vais rapidement reparler. Pour en revenir au hall, il n'y a aucun plafond jusqu'au toit. Du fourrage pouvait ainsi être entreposé au-dessus des deux salles de vie qui l'encadrent.

    Viorica n'a pas eu une vie facile : réfugiée dans la région suite à la division de la Bucovine entre Roumanie et URSS, elle y épouse un bûcheron. Mais suite à un accident de travail, il ne peut d'abord plus travailler puis meurt relativement jeune. Alors, elle reprend le métier en plus de s'occuper de la maison. Des 4 fils qu'elle a eus, un est mort à 2 ans, deux autres à la cinquantaine d'un infarctus et d'un accident de la route. Le dernier a voulu l'accueillir chez lui mais elle n'a pas pu tenir là-bas. Alors elle vit ici avec les 3 chats du radin trop mal nourris par leur maître. Et malgré toutes ces contrariétés, elle se déclare heureuse ! Leçon d'humilité et témoignage poignant.

    Viorica nous parle également de sa petite fierté avec un brin d'humour : elle est satisfaite à l'instar de nombre d'autres personnes du village d'avoir anticipé et acheté son cercueil il y a 4 ans, avant le décès du croque-mort. Et elle le stockerait chez elle. Etrange coutume !

    Au moment de la quitter, nous lui rentrons quelques brassées de bois de chauffage pour le poêle et elle adresse à Luminița une commande : lui apporter des lunettes lors de son prochain passage. P. tente alors de lui expliquer que ce n'est pas possible sans consultation de l'ophtalmo.

    Ces hameaux isolés ne sont toutefois pas totalement délaissés puisque des marchands ambulants passent généralement une fois par semaine et changent de bourg tous les jours. Pour les plus chanceux, le facteur passe à pied dans la localité, plus rarement à vélo. Pour d'autres, il faut aller à la poste restante au village le plus proche. Des foires agricoles se tiennent également régulièrement à la campagne pour vendre ou acheter des bêtes notamment.

    Nous repartons en sens inverse par le même itinéraire et prenons le temps pour laisser le taureau du radin rentrer tranquillement à l'étable. Il a causé quelques frayeurs dans un groupe précédent paraît-il.

    Le retour se passe sans encombre.

    Retour à domicile Au fond l'église du matin

    L'un de nous repère un phénomène naturel surprenant. P. me demande alors de regarder à 10 mètres autour du soleil. Mais je me figure une distance beaucoup trop courte et suis totalement ébloui. Puis, on me fait regarder de façon nettement plus globale jusqu'à ce qu'un halo apparaisse clairement.

    Halo naturel autour du soleil

    Ce phénomène serait lié à la réfraction de la lumière à travers des cristaux de glace en suspension dans l'air.

    Arrivés à l'étape, nous nous adonnons à de périlleuses activités où nous défendons les couleurs de la France et où nous risquons sans hésiter notre vie. Nous avons conservé la seconde mais rater le premier point. Désolé ! On s'est bien dépensé dans ces JO improvisés mais la Roumanie était trop forte.

    Tout avait pourtant bien commencé. Nous étions en grande forme avec plusieurs jours d'entraînements intenses. J'avais posé sur ma tête mon bonnet péruvien et m'apprêtais à haranguer l'équipe en empruntant mon discours à tonton Henri IV : "Suivez mon pompon bleu !" (Tonton avait dit : "ralliez-vous à mon panache blanc" à la bataille d'Ivry en 1590 mais seuls les puristes apprécieront la différence de style ... et de noblesse certes). Nous étions en surnombre à 4 contre 3. Mais l'Histoire en a voulu autrement.

    Première épreuve : la luge. Nous remontons la piste avec les luges de compétition. La Roumanie démarre avec une performance impressionnante de deux des siens. Mais nous n'avons pas dit notre dernier mot ... C'est à ce moment que s'interrompt l'épreuve avec l'irruption sur la piste d'un troupeau de bovins et, au milieu d'eux, quelques taureaux. Olé ! Pardon : COUREZ !!! Sauve qui peut !!! Les femmes, les enfants et les français d'abord !!! De derrière notre barrière, nous les regardons chahuter puis retourner tranquillement vers l'étable. Les jeux sont alors faits : déboussolés par la menace représentée par ces hooligans, nous ne sommes plus en possession de tous nos moyens. Deux de nos luges ne prennent pas de vitesse les pieds trainants au sol et une troisième à deux personnes fait un tout droit dramatique au premier virage. L'équipage se renverse et va mordre la neige. Il en sortira miraculeusement indemne. La débâcle, je vous disais ! La Berezina !

    Impressionnée par cette contre-performance retentissante mais fair-play, la Roumanie nous donne alors des cours de rattrapage à tour de rôle. Voici une photo de P. (merci !!!) qui en témoigne puisque je ne peux montrer le visage de mes compagnons sur mes propres photos :

    Cours de luge

    Nous filons à toute vitesse. Mais juste pour défendre mon titre de Pieds Gauches en or et pour détendre l'atmosphère, je décide de terminer la descente par une petite cascade en me laissant tomber en arrière. La neige amortie largement le choc et les sourires fusent.

    La technique étant rentrée à présent, nous enchaînons tous avec une troisième descente réussie et en solo. Pendant ce temps, Luminița, Bogdan et Loredana préparent l'épreuve suivante, l'unique occasion de se racheter. Nous en profitons pour nous remettre d'aplomb et nous remotiver en contemplant des jeux de lumière majestueux autour de la colline par laquelle nous sommes arrivés la veille.

    Soleil proche du couchant Soleil couchant

    La seconde épreuve c'est aussi de la luge mais version "historique". Les ailes nous poussent : nous allons nous rattraper et redorer le blason de la nation ! Enfin presque tous ... Un sac synthétique et des sacs H.B. ont été remplis de paille, il suffit de s'asseoir dessus et de s'élancer sur la piste qui est peu à peu dessinée. Les plus jeunes athlètes roumains ont du mal dans cette discipline ralentissant leur progression en posant trop les pieds. Par contre, Luminița maintient son pays hors de l'eau avec des descentes précises et efficaces.

    Loredana Luminița

    Mes coéquipiers se retrouvent à tour de rôle sur la paille et réalisent des performances honorables pendant que j'immortalise chaque passage. Puis, on me réclame pour mon tour. Vous êtes vraiment sûrs ? Je ne suis pas certain d'être très brillant. Mais, je finis par m'exécuter en refusant malheureusement que l'on me prenne en photo. Tel Fosbury à son époque, j'inaugure une nouvelle technique plus efficace pour descendre. Je conserve ainsi mon titre de Pieds Gauches de légende. Je m'élance face à la pente, jambes tendues et légèrement surélevées comme mes compagnons précédemment. Je suis freiné (comme tout le monde) dans la chicane mais ne m'en sors pas trop mal quand, soudain, mon pied s'accroche sur un côté de la piste. Je fais alors demi-tour et me retrouve à dévaler dos à la pente jusqu'au moment où je culbute en arrière. La descente est finie, je n'irai pas plus loin. Ce n'est quand même pas plus fun comme technique ? Enfin, surtout pour les autres qui rigolent, parce que lorsque je me relève, j'ai de la neige dans le cou, le pantalon, les gants, sur le visage ... Presque un bonhomme de neige ou un yéti ! Ma prestation ne fera pas d'émule mais ma descente suivante est attendue avec grand intérêt. C'était sans compter que je ne me produis toujours qu'une fois, la descente suivante sera plus conventionnelle.

    Nous retournons ensuite au chaud pour récupérer. Pendant que les autres se douchent dans l'unique pièce qui le permet, j'en profite pour rattraper ce que je n'ai pu faire ce matin : je vais prendre part à ma première traite de vaches. Je sais de prime abord que c'est très difficile et que je risque de me ridiculiser en étant incapable d'obtenir le moindre lait mais ça ne peut pas être pire que sur la luge ... Enfin, je pense ?  D'emblée, un peu de lait sort mais à côté du seau. Pour un début, ça peut aller même si ce n'est pas encore gagné. Peu à peu, le geste devient plus précis et le lait atteint le seau. Youpi, nous aurons un verre de lait à partager à 5 demain matin pendant que la grand-mère a rempli un seau...

    De mauvaises langues me demanderont ensuite si je n'ai pas du coup trait le taureau. Et si c'était vrai ? Je comprendrais mieux pourquoi la bestiole avait un oeil noir quand elle me regardait. Mais, même dans ce cas, je suis ravi d'avoir été de "mâle" en pis  (d'accord elle est nulle ...) car, dans mon imaginaire, je plaçais plutôt cette découverte dans le cadre d'un futur voyage solidaire dans le Ladakh d'ici quelques années. Alors avoir eu l'opportunité plus tôt !

    De retour à l'intérieur, Veronica nous propose une nouvelle démonstration de peinture sur oeufs mais avec la technique de la cire en relief. Elle commence aussi par vider l'oeuf mais avec un seul trou cette fois-ci. Elle injecte l'air à l'aide d'une seringue pour expulser le contenu puis lave l'intérieur en le remplissant d'eau et en le secouant légèrement avant de réinsuffler de l'air pour le vider à nouveau. L'opération doit être réitérée trois fois pour un lavage optimal. Elle trace alors les motifs puis applique des "boules" de cire pour créer le relief. Mais c'est elle qui maîtrise tout le processus et fait ce qu'elle veut de la cire. En cette Journée de la Loose, nous avons ensuite l'opportunité de passer à la pratique. Mais, même à 5, nous serons pitoyables : ligne circulaire qui ne revient pas à son origine, pâtés, tremblante du mouton, figures ratées ... tout y passe ! Et pour une fois, Luminița est aussi peu douée que nous. Ca fait un de ces plaisirs !!!

    Peinture sur oeuf

    La soirée se déroule tranquillement et j'ouvre un commerce dans "ma" chambre : un taxiphone car c'est la seule pièce d'où on reçoive du réseau. Enfin, si on est chez l'opérateur historique. Je finis par la récupérer après le passage de ma seule et unique cliente ... Elle a le dos tourné, la pyjama partie peut enfin commencer ... Profitez-en parce que quand Maman va retrouver sa chambre la prochaine fois, ça sera à nouveau extinction des feux à 21h.


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  • La vie ordinaire à la campagne

    Dernier réveil en Bucovine. Toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin. Alors, bien qu'il fasse encore nuit, je m'imprègne du paysage à travers la vitre de la chambre : un tapis blanc ondoyant sur les courbes des collines, un grenier isolé sous le clair de lune et des conifères debout pointant de leurs cimes un ciel dégagé.

    Au clair de la lune

    Tout est immobile au dehors. Le silence règne. Un silence reposant et apaisant qui va me manquer dès les prochains jours. L'immuabilité, voilà ce qui représente le mieux ce que je ressens en regardant à l'extérieur. Et d'ailleurs, si vous-mêmes aviez regardé à l'intérieur cette fois-ci, vous n'auriez pas ressenti autre chose car à cette heure, les marmottes hibernent encore pour quelques heures, comme la veille.

    Le petit-déjeuner est servi un poil plus tôt qu'hier et en attendant qu'il soit prêt et que tout le monde arrive, je vois Loredana dans une ambiance toujours aussi paisible et calme mitrailler à tout va les commandos ennemis sur l'ordinateur de la maison. Les premières paroles échangées en français ce matin montrent que je ne suis pas le seul qui aurait bien prolongé le séjour un petit peu plus.

    A 9h30, notre véhicule personnel est avancé : il s'agit d'un traineau à cheval qui va nous conduire à l'école de Bogdan. Nous partons à 7 et un cheval courageux : notre groupe de 5, Loredana qui rejoint son frère à l'école vu qu'elle est en repos forcé et le grand-père de la famille. Ce dernier va guider le cheval et courir à côté du traineau tout du long ! Il fait -16°C et les couvertures ne sont pas de trop vu notre inactivité momentanée.

    Traineau à cheval

    Au démarrage, la traction est si forte qu'il s'en faut de peu pour que nous ne basculions en nombre à l'extérieur du traineau, surpris par cette secousse inattendue. Le terrain est vallonné sur la majeure partie du parcours. Le grand-père et son cheval n'ont quasiment aucun répit. Avec sa barre centrale, le traineau est normalement prévu pour deux animaux, la charge doit donc être en partie déséquilibrée.

    Progression du traineau Progression du traineau

    Nous allons être déposés au sommet d'une colline et à proximité immédiate d'une église orthodoxe en bois. Le grand-père va chercher le gardien pour qu'il nous ouvre la porte. La décoration intérieure est plus modeste que dans les monastères déjà visités mais elle reste riche. Tous les tableaux présents sont financés par les dons des familles des crêtes environnantes à des artistes ou des moines pour qu'ils les peignent. L'iconostase est parée de nombreuses figures et scènes de l'Evangile.

    Iconostase

    En sortant nous disons au revoir au grand-père et nous dirigeons à pied vers l'école de Bogdan. Celle-ci est en fait une simple maison. En entrant, le hall contient plein de dessins des enfants. Nous nous dévêtons car il fait très bon puis rentrons dans la salle de classe en plein cours de maths. Cela satisfait les élèves paraît-il. 4 niveaux scolaires sont mélangés ensemble.

    A l'école

    La maîtresse est une institutrice de Suceava (la grande ville du coin) à la retraite. Plutôt que de rester seule chez elle, elle assure depuis 4 ans maintenant l'école des crêtes, en remplacement du père de Loredana et Bogdan devenu douanier. Pendant la période scolaire, elle est logée chez l'habitant puis retourne à la ville pendant les vacances.

    Je ne sais pas pourquoi tous les enfants ont le bonnet car il fait vraiment bon. Les murs sont tapissés de cartes géographiques, des tables de multiplication, des lettres de l'alphabet et de quelques panneaux didactiques divers.

    Tant que nous sommes sur place, je vais consacrer un paragraphe à l'éducation. La durée des cours est de 1h et ils sont entrecoupés de pauses de 10 minutes. Il n'y a pas de cantine donc soit les enfants emmènent leur pique-nique ce qui leur fait un peu honte parfois, soit ils reçoivent des sous pour s'acheter à manger, soit ils attendent de rentrer à la maison. Il n'y a pas d'uniforme. L'école est obligatoire jusqu'à 14 ans (collège). Ceux qui continuent, fréquentent ensuite le lycée jusqu'à 18 ans, au terme duquel ils passent le bac. Pour finir, l'éducation supérieure est gratuite dans les universités publiques mais pas dans le privé où il faut débourser jusqu'à 600€ par an pour les meilleurs établissements, parfois même plus. Ceci explique en partie les départs à l'étranger pour échanges du fait de la prime de 1700€ versée en tant qu'aide.

    Pour en revenir à cette école, certains enfants ont bénéficié d'une aide de 50% pour s'acheter un ordinateur. Quelques autres, n'ont pas cette chance car leur maison n'a pas encore l'électricité ... A posteriori, je suis triste de ma photo légèrement floue et avec mon doigt devant, j'aurais tellement aimé leur envoyer quelque chose de mieux que ça.

    Nous reprenons la route, traversons forêts et monts.

    Vue sur une vallée en contrebas Route forestière Grenier

    Dans un nouveau hameau, une rencontre avec des jeunes permet de faire ressurgir du passé des accessoires de sport d'une époque pas si lointaine : des skis de bois avec fixations artisanales en plastique ! Les adolescents s'amusent à dévaler la pente d'un champ et à prendre un virage sans bâton autour d'une botte de fourrage. Puis, ils remontent skis à l'épaule.

    Skis en bois Descente avec des skis en bois

    Cela m'amène à parler des autres sports principaux pratiqués dans le pays. Sans surprise, les sports collectifs arrivent en première position avec la gymnastique : football, basket, volley et hand.

    Le reste du parcours, parfois entrecoupé de belles plaques de glace, nous permet de croiser plusieurs traineaux en peu de temps jusqu'à notre arrivée à la "ville" de Lupcina.

    Traineau à cheval

    Le pompon rouge est utilisé pour écarter le mauvais oeil et est assez répandu. Par contre, il n'y a pas de justification particulière semble-t-il pour le choix de la couleur.

    Nous rentrons dans une épicerie pour déjeuner, celle de la demi-soeur de Veronica. Le commerce n'est pas sans me rappeler, par sa configuration, les supérettes centrasiatiques.

    Epicerie

    A 13h, Mihaï fait irruption dans la boutique. Il revient de la région du Danube où il y avait trois mètres de neige ! Après nous avoir récupérés, il nous conduit jusqu'à une grande ville -Radauți- où nous allons acheter quelques souvenirs et visiter le marché local.

    Puis nous nous dirigeons sur notre dernier monastère de l'UNESCO : Sucevița. Il fut édifié en 1584 par 3 frères de la même famille et conserve sa muraille protectrice. La couleur dominante est le vert.

    Vue extérieure du monastère Vue de l'intérieur de l'enceinte Vue générale du monastère

    Avec les 3 autres monastères que nous avons visités, ce sont les mieux conservés au niveau des fresques extérieures. Celui-ci se démarque par une oeuvre que l'on ne retrouve pas ailleurs : l'échelle des Vertus ou l'escalade des 33 barreaux nécessaires à l'atteinte du Paradis. A chaque étape, des personnages basculent dans le vice.

    Echelle des vertus

    [DESCRIPTION DES FRESQUES]

    Au-dessus, les vignettes représentent la Genèse : création du ciel et de la terre, d'Adam, des plantes et des animaux, d'Eve à partir de la côte d'Adam ... Lorsque le fond est blanc, c'est la symbolique du paradis. Puis le fond change à nouveau après le péché originel.

    Comme ailleurs, on retrouve de nombreuses autres fresques de la Procession de tous les saints à l'Acathiste à la Vierge en passant par les miracles de saints locaux (Pacôme) ou l'arbre de Jessé et les épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testaments.

    Procession de tous les saints Acatiste à la Vierge Arbre de Jessé, Ancien et Nouveau Testaments

    Sous cette dernière fresque, les philosophes et notamment Platon avec toujours son cercueil sur la tête.

    Une dernière fresque de cette façade représente Moïse recevant les Tables de la Loi. Le buisson ardent est représenté par un médaillon avec la Vierge et son fils.

    Moïse recevant les Tables de la Loi

    L'intérieur, bien qu'en travaux, abrite toujours les mêmes salles et le même agencement : calendrier intégral des martyrs dans le pronaos, salle des tombeaux présentant des fresques de la vie de Moïse, au-dessus la salle des trésors, Chemin de Croix et miracles de Jésus dans le naos puis iconostase mettant entre autres en valeur St Nicolas.

    [FIN DE LA DESCRIPTION]

    Il ne fait que -11,5°C ce qui est doux par rapport à ce que l'on a connu. Toutefois, notre aventure va se terminer comme elle avait commencé : par un petit flamenco modeste pour éviter que les pieds ne gèlent avec l'immobilité. Et ça va vite !

    Nous retournons à l'auberge du premier soir, là où Viorica la cuisinière nous avait chouchoutés et là où j'étais en manque de vaisselle. A présent, je suis temporairement sevré. Comme quoi le grand air peut servir pour soigner les addictions.

    Une bonne douche au seau pour se remettre d'aplomb, un p'tit salut à François Joseph dont j'ai récupéré la photo depuis mon article précédent sur le sujet (merci P. !!!) et c'est parti pour un dernier repas complet : biscuits salés, roulés au fromage, borş à la betterave, viande avec sa "salade" puis gâteau à la myrtille. Tout est fait main et tout est délicieux. La preuve ? Je n'aime pas les myrtilles mais le gâteau était trop bon !!!

    François Joseph

    Tant que je parle alimentation, j'en profite pour glisser avant qu'il ne soit trop tard que les roumains déjeunent en moyenne vers 14h puis dinent plus légèrement vers 18h. Boeuf, poulet et cochon sont très prisés à table. Certains, pour se conformer au rite orthodoxe, pratiquent le jeûne plus ou moins strictement de 2 jours par semaine à l'année entière sans consommer de produits issus d'êtres vivants.

    Pour la soirée d'adieu (même si l'on reste encore ensemble), nous recevons un petit présent symbolique : un mini guide de Roumanie. On dit que c'est l'intention qui compte, j'en suis touché comme par l'investissement sans borne de la dévouée Viorica. Si seulement je pouvais lui exprimer toute ma reconnaissance !

    Et puis je partage avec le groupe l'équipement ultime fourni par mon sponsor officiel. Vous avez été surpris par la polaire, amusés par la gourde alors ce soir en exclusivité pour vous, voici le savon biodégradable ! Et encore vous avez raté le sac à dos léger et le sursac. Je ne travaille pas à produire du flan dans les instituts de sondage, en vérité, je suis homme sandwich !

    A 21h, nous quittons cette agréable chambre d'hôtes pour 1h10 de route jusqu'à la gare de Vama où nous avions débarqué dimanche dernier. La route passe près de sites que nous avons parcourus au fil des jours : col de Ciumârna ou le café qui nous a protégés du froid après la visite de Moldovița. Nous arrivons trop tôt mais avec la neige sur la route mieux valait prévoir large. Après quelques minutes passées dans le minibus, nous laissons Mihaï rentrer chez lui et rejoignons le bâtiment de la gare. La température est descendue à -20°C dehors et malgré la très courte marche, je peux vous dire que mon jean est loin de suffire. Dans le hall, nous dérangeons deux sans-abris qui y avaient trouvé refuge.

    Le train doit arriver à 22h55 mais il n'y aura aucune annonce alors il faut sortir dehors avec quelques minutes d'avance. Sur le quai, il y a très peu de réverbères donc on est dans l'obscurité. Un autre jeu est proposé : trouver son wagon sans aucune indication sur le quai et en ayant tout au plus 3 minutes devant soi. Jack Bauer peut aller se rhabiller avec ses 24h chrono. Quant à nous, sans guide, je crois qu'on n'aurait jamais trouvé : d'abord parce que le numéro de voiture est super bien caché dans un billet de deux pages bourré de chiffres (c'est un ticket de pari hippique ou quoi ?) et secundo parce que le numéro de voiture est introuvable sur le train. En outre, il faut également savoir que les wagons sont fermés à clé la nuit et qu'il n'est donc pas conseillé de se tromper. En même temps, il y a tellement de haltes que les opportunités de changer de compartiment ne manqueraient pas. Mais il faudrait alors ressortir... Enfin, nous sommes au bon endroit et c'est bien le principal !

    En 2 ans, les prix des billets ont doublé donc les roumains peuvent moins se permettre d'emprunter ce type de train. Cela s'est ressenti à l'aller où la fréquentation n'était pas trop importante (il n'y avait par exemple que 2 personnes dans la cabine de Luminița). Mais ce soir, le train va être plus plein. En seconde, il y a 4 personnes par cabine, en première, deux personnes. Et dans les deux classes, on est très bien lotis.

    Nous retrouvons avec une émotion tout juste feinte les superbes draps collector en papier et la bonne couette douillette ainsi qu'une température agréable qui ne cessera d'augmenter. Je cale ma tête et mes pieds (la couchette est juste suffisante pour que je touche les deux bouts), je suis à présent un élément du train et me balance au même rythme que lui. Ca berce !

     

     


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  • Retour à l'envoyeur

    Malgré les conditions d'enneigement sur le trajet, notre train arrive au terminus à Bucarest qu'avec 30 minutes de retard. C'est impressionnant quand on sait qu'en France, il ne serait jamais arrivé. Il y aurait des cours à donner. [Petit aparté : la semaine suivante, le plan de circulation des trains sera adapté en Ile-de-France avec de nombreuses suppressions. Il fera 3°C !].

    A la descente, il fait -15°C mais la porte est moins gelée qu'à l'aller. Certaines voies sont suffisamment dégagées comme la nôtre, d'autres sont par contre délaissées comme le train menant à l'aéroport, à l'arrêt depuis une semaine.

    Gare de Bucarest

    Nous déposons nos sacs à la consigne et rejoignons un hôtel non loin de là pour petit-déjeuner. Une télévision diffuse les actualités. Au programme, deux faits qui reviennent en boucle : la révolte de la Grèce et la situation catastrophique de la Roumanie. Sur ce dernier sujet, les images montrent les gens sortir de leur maison ensevelie par le toit dans le sud-est du pays car c'est la seule partie qui émerge encore, un brise-glace fend la Mer Noire gelée sur la côté pour aller ravitailler les habitants du delta du Danube. Des spots passent à répétition sur l'écran appelant à la solidarité envers les milliers voire dizaines de milliers de sinistrés. A se demander si en dehors du froid, on est dans le même pays ?

    Pour clore le sujet de la télévision avec un autre chapitre, il faut préciser que les films et séries diffusés sur le petit écran et de provenance étrangère sont tous en VO avec un sous-titrage en roumain.

    Rassasiés, nous prenons la direction du musée du Paysan situé à une station de métro de la gare du Nord, juste à côté du Parlement. Visite du musée ou protest ? Protest ou visite du musée ? Nous optons pour la visite de cet endroit qui concentre de nombreux témoignages des traditions roumaines depuis les objets religieux aux costumes traditionnels, en passant par des reconstitutions d'habitat ou des outils. Hélas, nous n'avons pas suffisamment de temps devant nous pour profiter comme il le faudrait des richesses de ce bâtiment. Une heure plus tard, il faut déjà envisager de gagner l'aéroport. Je suis heureux de quitter cette grande ville après les instants au calme que nous avons vécus ces derniers jours mais je suis triste de ne plus être en Bucovine.

    A 11h35, le bus quitte la gare et nous conduit en 40 minutes à l'aéroport. Ce pourrait être la fin du voyage et le début d'une attente interminable de 2h puisque nous n'avons plus l'espoir de découvrir des horizons nouveaux dans ce sens-là. Mais Luminița va se révéler une guide pas comme les autres en restant avec nous une heure supplémentaire alors que rien ne l'y oblige. Il y a des gens dont je fais partie qui font juste leur métier ce qui est déjà très bien, et il y en a d'autres qui se livrent à fond et avec passion (mais sans fayoter), ceux-là sont à mettre sous cloche pour les conserver. En tout cas, mulțumesc une fois de plus pour ton dévouement qui a rendu l'attente moins longue et pour ta personnalité qui doit être appréciée dans tous tes groupes.

    Nos chemins finissent cette fois-ci par se séparer (vous êtes les bienvenus en France quand vous voulez ). Luminița va chercher son bus pour rentrer chez elle et nous allons vers la douane pour accéder à la salle d'embarquement.

    OUPS ! On a oublié les cartes postales !!!! Nous demandons à des policiers où il y a une boîte aux lettres. Ils nous envoient alors à la poste de l'aéroport. Mais celle-ci n'ouvre qu'à 14h et notre vol est 30 minutes plus tard. Je récupère donc nos précieux témoignages et cours jusqu'au bus de Luminița pour les lui confier s'il n'est pas encore parti. Comme dans les bons scénarios, il démarre pile quand j'arrive hyperventilant. Je rebrousse chemin et me vois déjà les poster en France. Par acquis de conscience, je décide de demander une dernière fois au bureau d'information et celui-ci me signale une boîte aux lettres à l'extérieur du terminal. Triomphant j'insère le courrier dans une drôle de boîte. En racontant cet épisode à mes compagnons de voyage, E. plaisantera : "tu ne les as pas mises dans la poubelle quand même ?". Ben figures toi que je n'en sais rien alors j'espère que tes cartes n'étaient pas très importantes.  Je ne sais pas vous, mais moi, elles ne sont toujours pas arrivées ...

    Nous passons ensuite les contrôles de sécurité. Tous enlèvent leurs chaussures de randonnée de mauvais coeur tandis que, faisant partie d'une autre file et un peu étourdi, je les oublie complètement et passe comme une lettre à la poste si j'ose dire. Que voulez-vous, c'est ça la classe !

    L'embarquement suit pas très longtemps après finalement. Puis l'avion nous offre un peu de rab, le temps de dégivrer ses ailes. Nous nous engageons à la suite d'une nouvelle voiture "Follow Me" et décollons sur une piste partiellement glacée. Un nouveau circuit se termine, restent les souvenirs marquants d'une semaine simple mais formidable.

    Dehors la neige a recommencé à tomber et continuera demain. La revedere România !  Pe curând !


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